Le régime d’indemnisation des accidents médicaux s’applique bien aux actes de chirurgie esthétique (Cour de cassation)
PARIS, 11 février 2014 (APM) – En cas d’accident médical survenant à l’occasion d’une intervention de chirurgie esthétique ou de ses actes préparatoires, le régime d’indemnisation des accidents médicaux par la solidarité nationale s’applique, a tranché mercredi la Cour de cassation.
Dans cet arrêt, publié au bulletin de la Cour de cassation, la première chambre civile a mis un terme à plusieurs années d’incertitudes et d’interprétations contradictoires des dispositions du code de la santé publique sur l’indemnisation de l’aléa thérapeutique en matière de chirurgie esthétique.
Jusqu’à présent, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), suivi par plusieurs commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI), se refusait à indemniser les préjudices liés à des actes de chirurgie esthétique, estimant qu’il ne s’agissait pas d' »actes de soins » au sens de l’article L1142-1 du code de la santé publique.
Cet article, introduit par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, pose le principe selon lequel les professionnels et établissements de santé « dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».
En dehors de toute faute, les victimes peuvent solliciter une indemnisation au titre de la solidarité nationale auprès des commissions de conciliation et d’indemnisation (CCI) si trois conditions cumulatives sont remplies: avoir subi un préjudice directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, ayant eu des conséquences anormales au regard de son état de santé et de son évolution prévisible, et présentant un caractère de gravité fixé par décret.
Dans un attendu de principe, la Cour de cassation considère que « les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L6322-1 et L6322-2 du code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L-1142-1 du même code ».
Le premier article précise le type d’installation, soumises à autorisation et certification, et l’environnement technique dans lequel les actes sont effectués, tandis que le second pose le principe d’une obligation d’information préalable du patient et l’écoulement d’un délai minimum entre la remise du devis et l’intervention éventuelle, précise-t-on.
La Cour de cassation a ainsi rejeté un pourvoi de l’Oniam et conforté l’analyse développée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt rendu le 5 octobre 2012, indemnisant la famille d’une jeune femme de 22 ans décédée en décembre 2002 au Centre chirurgical de Paris alors qu’elle devait subir une liposuccion des cuisses.
La jeune femme a succombé à un malaise cardiaque survenu juste avant l’anesthésie, et après l’injection de deux produits sédatifs.
La cour d’appel a jugé que l’anesthésiste et le chirurgien avaient manqué à leur obligation d’information, et les avait condamnés à indemniser la famille au titre d’une perte de chance de 30% d’éviter le dommage. Parallèlement, elle avait conclu que le décès était dû à un accident médical non fautif et demandé à l’Oniam d’indemniser la famille à hauteur de 70% du préjudice subi.
La cour d’appel a notamment estimé que « l’administration de médicaments sédatifs en pré-opératoire destinée à apaiser l’angoisse d’une personne qui allait être soumise à une opération de chirurgie esthétique » constituait un acte de soins.
Elle a également considéré que le motif de l’opération chirurgicale importait peu « dès lors que l’administration de sédatifs intéressait directement la santé de la patiente ».
Joint par l’APM jeudi, le directeur général de l’Oniam, Erik Rance, a indiqué que les commissions et l’Oniam se conformeraient désormais à la jurisprudence de la Cour de cassation lorsqu’ils instruiront des dossiers relatifs à des soins de chirurgie esthétique.
« Dès lors que les accidents répondent aux seuils de gravité et que les gestes chirurgicaux ont été effectués dans l’environnement [figurant dans le code de santé publique] », les dossiers seront examinés à la lumière de la nouvelle jurisprudence, a-t-il indiqué.
Dans son rapport d’activité pour 2012, l’Oniam précisait que 3% des refus opposés aux avis soumis par une commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) concernaient un préjudice consécutif à la chirurgie esthétique.
Arrêt n°12-29140 de la Cour de cassation, première chambre civile, du 5 février 2014